Chefs de projet, adoptez la systemic attitude

L’environnement professionnel dans lequel nous évoluons aujourd’hui est instable. L’innovation est constante (et d’ailleurs pas seulement dans le domaine technologique – regardez par exemple l’évolution dans le domaine du management des ressources humaines), le fonctionnement en réseau s’accentue, avec son corollaire la multiplication des interactions, et par voie de conséquences des jeux d’influence, … Evolution du monde critiquable ou pas, il est un fait que depuis son origine, l’être humain est confronté à une complexité croissante … dont il est d’ailleurs principalement le géniteur. Et ce ne sont pas les évolutions à venir, promises notamment par la pensée transhumaniste, si elles se vérifient, qui vont réfréner cette tendance.

Résultat : nos certitudes (si tant est que cette notion corresponde à une réalité) sont cesse remises en cause, nos référentiels pour piloter nos décisions et nos actions sont en permanence challengés. La fonction de chef de projet est pleinement confrontée aux difficultés susdites. Accorder toute l’attention qu’ils méritent à quelques préceptes de la pensée systémique peut les aider.

Penser de façon dynamique et exhaustive. La gestion d’un projet n’est évidemment pas mathématique. Rejetez donc les dictats méthodologiques. Adaptez-vous et remettez-vous en cause rapidement en fonction des évènements. La méthodologie est une source d’inspiration, un référentiel mais non un carcan. Elle ne doit pas vous empêcher de voir les choses dans leur intégralité et dans leur contexte propre (un projet n’est pas l’autre). N’hésitez pas à consacrer un peu de temps à l’historique du projet … et des acteurs de celui-ci. Cette recommandation sur l’historique est trop rarement appliquée. Y accorder l’importance qu’elle mérite facilite souvent l’adhésion des acteurs à des décisions éventuellement douloureuses.

Penser de façon plurielle et ouverte. Ne sombrez pas dans les syndromes du type “Ici on fait comme çà” ou “Il faut obligatoirement respecter les standards”. Les standards sont certes là pour aider à maintenir de l’ordre, garantir l’efficacité et procéder à des économies d’échelle. Mais ils ne doivent  pas constituer des dogmes qui, face à une situation nouvelle, peuvent faire courir un risque majeur sur un projet, parce qu’en réalité inadéquats en regard de ses exigences spécifiques. Ne pourfendez pas la contestation, utilisez là comme un outil précieux. Le propos n’est pas d’accepter la mise en cause de votre autorité, mais de partir du principe qu’un acteur du projet qui désapprouve a peut-être vu un danger qui vous a échappé.

Soyez responsable. Si nécessaire remettez en cause vos décisions, sans précipitation mais aussi sans retard. Activez le plan B avant qu’il ne soit trop tard, en concertation avec votre équipe. Jouez franc jeu avec votre client. Même s’il manifeste son mécontentement, ce qui ne peut lui être reproché en cas de difficulté à respecter les engagements contractuels, il vous saura gré sur le long terme de ne pas le tromper sur l’état réel du projet. Ne déclenchez pas de mauvais procès. Avec l’équipe cherchez des causes avant de désigner des coupables.

Une équipe, plus qu’un organigramme. La réussite d’un projet dépend bien plus de la qualité des relations entre les acteurs (et de leurs compétences) que des positionnements hiérarchiques. L’envie de travailler ensemble est supérieure à l’obligation de rendre des comptes (ce qui ne veut absolument pas dire absence de contrôle – en aucun cas d’ailleurs la confiance ne peut exclure le contrôle, élément indispensable de la qualité). Aussi bien soit-il conçu, un système mécanique en manque d’huile se mettra vite à gripper. Surtout en période de surchauffe (fonctionnement dans la zone rouge). Dans une équipe de projet, l’huile n’est autre que le plaisir à travailler ensemble.

Intégrer les compétences. Placez les gens dans leur fonction (expert métier, analyste, architecte, développeur, testeur, …) mais stimuler les interactions. C’est le meilleur moyen de lutter contre la déresponsabilisation (“Ce n’est pas moi, c’est l’autre”). Faites en sorte que, sauf cas particuliers, succès et échecs soient l’affaire de tous.

Stimuler les initiatives de feed-back. Le projet une fois organisé et lancé, l’information est le facteur clé de succès pour le chef de projet. C’est en particulier grâce à la qualité du feedback que le projet ne s’enfoncera pas le cas échéant dans un cercle vicieux, résultat d’un impondérable ou d’une mauvaise décision dont vous ne percevez pas les effets.

Surveiller les tendances au moins autant que les chiffres. Les mesures coûtent cher. Elles ne doivent pas simplement nourrir un tableau de bord mais servir au plus tôt au pilotage du projet. Piloter veut dire corriger une déviation, résultat d’un écart.

Combattez la pensée unique. Faites la différence entre la popularité (résultat d’attitudes qui n’ont d’autre but que d’être politiquement correct ou  aligné sur la culture d’entreprise) et la justesse de la pensée unique. Au début du projet, prévoyez une phase de débat, pour donner aux bonnes idées non encore révélées une chance de voir le jour… au plus tôt dans le projet. Bref, “ne passez pas à côté de la montre en or”. A mettre en rapport avec la pensée plurielle.

Faites preuve d’humilité. Soyez volontaire et proactif, mais prenez du recul par rapport à vous-même. Soyez le guide, officialiser les décisions mais appuyez-vous sur l’équipe pour les construire. Réservez-vous certaines d’entre elles, mais faites en sorte que l’équipe se sente impliquée dans la plupart. C’est un puissant vecteur de reconnaissance et de motivation.

Si telle est sa volonté, sur de nombreux points et  contrairement à un vieil adage, le chef peut ne pas être un homme seul. La condition : appliquer (au moins) les deux dernières recommandations.

Evaluer sur base des obstacles franchis et pas seulement des résultats obtenus. La valeur d’un collaborateur à 80 % de ses objectifs mais ayant dû surmonter de nombreux obstacles peut être supérieure à celle d’un collègue à 100 % de ses objectifs atteints sans grandes difficultés. Ignorez cette réalité et vous découragerez / démotiverez à coup sûr le premier.

Révélez les talents cachés. Les collaborateurs les plus discrets peuvent être les plus talentueux. Grande visibilité ne veut pas dire haut niveau de compétence ou d’efficacité.

Un dernier conseil : le chef de projet doit être un filtre sur les hautes fréquences. Il doit protéger l’équipe des perturbations qui n’apportent rien à son fonctionnement. Ce n’est certainement pas sa responsabilité la plus facile à assumer. Sur cet aspect, et sur celui-là en particulier, le chef est toujours un homme seul.

Bien évidemment, la réussite de la mise en application de plusieurs de ces conseils suppose une équipe constituée de gens sains du point de vue comportemental. C’est sur ce plan que le chef de projet compte sur le département RH, avec lequel les contacts mériteraient sans doute souvent d’être renforcés.

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